mardi 3 décembre 2019

47 ANS – L’ENTRE-DEUX INCERTAIN


 
BOICHI (2015) - auteur du manwha (BD coréenne) Sun-Ken Rock : « Je compare la culture actuelle du manwha… à du tofu ! C’est-à-dire que lorsque l’on serre du tofu dans sa main, il ne se comprime pas, il va sortir d’entre les doigts ! Ainsi le manwha ne disparaîtra pas, car même « comprimé », il prendra alors une forme différente. Et cela perdurera, tant que des personnes passionnées continueront de s’adapter et de faire des choses nouvelles, parfois issues de milieux autres que celui du manwha. »
Voici les propos enthousiasmants de cet auteur prolifique et souriant, mais surtout résolument optimiste !
Et de l’optimisme, on peut dire que c’est aussi rare que du platine sur un compte en banque grec !

Le présent est morose, l’avenir est incertain (ou trop certain pour le coup, via quelques collapsologues), il ne reste plus que la valeur refuge du passé ; avec la nostalgie finissant de filtrer les bons des mauvais souvenirs.
Comme je le dis parfois à mes élèves de cinéma et de graphisme : « je vous envie et m’inquiète en même temps pour vous. » Je les envie car ils ont à disposition une technologie qui leur permet de réaliser de manière bien plus facile et pratique des choses incroyables, et jusques là réservées à une élite de studios Hollywoodiens ! Mais d’un autre côté, le marché du travail est saturé d’artistes dans un pays qui parfois ne leur démontre pas un amour tonitruant… Rajoutons à cela une situation précaire au niveau de l’emploi, la grogne sociale, le dérèglement climatique, la peur de l’effondrement de la civilisation Thermo-industrielle par l’épuisement des ressources... Cela commence à faire beaucoup à gérer niveau stress au quotidien (6 français sur 10 y croient en cette dernière théorie) ! Et encore une fois, certains de mes congénères presque cinquantenaires se disent que « tout ça » ... Bin c’était mieux avant !

Le cinéma c’était mieux avant, le jeu vidéo c’était mieux avant (bon, OK, le jeu vidéo nippon, c’était mieux avant), le métier d’auteur de BD c’était assurément mieux avant, les séries TV c’était mieux av… Ah non ça tout le monde dit qu’en ce moment, on a de très bons titres ! Bref, « tout le monde » pousse à peu de choses près sa sonnette d’alarme sur la déliquescence d’un monde qui s’écroule, qu’il soit réel, climatique, artistique, etc. Mais le truc c’est que comme le disait Boichi plus haut : rien ne meurt vraiment, tout se transforme. Alors certes on peut ne pas adhérer ce qu’il ressort d’une transformation. Parfois, les mêmes arguments me sont énoncés depuis 40 ans sur certains domaines, les vieux traitent les jeunes de p’tits cons, les jeunes traitent les vieux de débris nostalgiques et figés, le quidam ose envoyer balader l’intello mais on lui réponds qu’il fait du populisme, l’intellectuel essai d’expliquer ou fustige le quidam, et tout le monde se fout dessus par la magie des réseaux sociaux… et moi aussi je participe à tout ce cirque, je dois l'dire !

Alors si le passé c’est si bien, pourquoi on continue, pourquoi je continue ? Bin parce qu’on est curieux, parce qu’on entretient la passion, parce que même noyé dans la masse, on continue de créer. Parce que je refuse qu’on me dise de soit disant grandir en tuant obligatoirement le gamin qui est en moi. ‘Doit bien y avoir de la place sur mon canapé pour moi, mon enfance, mes espérances, mon désarroi, ma grande gueule, ma naïveté, ma (possible) maturité, mes passions, ma tristesse, mon allégresse, mon humour de beauf, mes pin ups, non ?
Rien ne meurt, tout se transforme, et oui, on peut rejeter, adhérer, comparer, changer d’avis, renforcer ses convictions, etc.

C’est sur c’est fatiguant.
Mais c’est passionnant, nan ?

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