One Day, Orange, Remember, autant de titres devenus des classiques de la bande dessinée chinoise. Tous sont issus de l’imaginaire fertile de Benjamin, et présentent des univers urbains léchés et oniriques, entre poésie noire et introspection à la limite de la psychiatrie. Benjamin, c’est aussi et surtout un style graphique unique et immédiatement reconnaissable, à mille lieux des canons de la BD académique chinoise, nippone, ou même asiatique dans son ensemble. Véritable virtuose de la peinture numérique, ses couleurs ultra vives sont projetées sur ses planches comme des coups de pinceau rageurs, porteurs d’un cri silencieux et souvent dénonciateur sur la société, l’amour, et la vie !
Avec Savior, Benjamin nous jette à la face son trip ultime en matière d’univers romantiques noirs et désabusés, le tout sous la forme de deux récits complètement barrés. Guitar from Heaven est un véritable feu d’artifice d’images hallucinatoires décrivant les errances urbaines d’un musicien. Dans une dernière envolée que celui-ci partage avec le lecteur, il va créer un monde joyeusement fou, peuplé de zombies ! Puis vient Little Girl, où, là encore, une autre âme en peine (un soldat mort) erre dans un purgatoire mélangeant fantasmes et souvenirs.
Visuellement, Savior est un véritable clip vidéo de papier à grand spectacle, aux couleurs rarement imprimées en France ! On y retrouve d’ailleurs des bonus propres à l’éditeur Xiao Pan comme des interviews, notamment sur l’intervention de l’auteur sur les clips de la chanteuse Jena Lee. L’on poursuit avec une magnifique galerie d’illustrations de commande qui démontre que Benjamin est aussi capable de s’amuser à faire des projets plus grand public comme des personnages de Marvel! Bref, Savior est un beau livre. Mais si l’image transporte, les textes des deux récits présentés peuvent parfois nous laisser sur le quai de la gare. Entre poésie abstraite et réflexions métaphysiques, les lecteurs se diviseront rapidement en deux camps : ceux qui accrocheront à ce déferlement lyrique, et ceux qui s’arrêteront à chaque chapitre pour essayer de comprendre ce qui se passe, parfois en vain. Faut-il alors prendre Savior comme une œuvre déjantée et libérée, ou au contraire une série de tableaux beaux mais hermétiques ? La réponse est simple au final : pour les non initiés à Benjamin, nous leur conseillerons d’aborder son univers par les titres cités plus haut, sous peine de tomber dans le même abîme que les personnages du présent volume. Côté afficionados, nul doute qu’on doit se réjouir. Benjamin est un auteur franchement atypique et incontestablement doué… mais parfois difficile à capter. En même temps, c’est peut-être aussi ça la patte des génies…
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