dimanche 24 février 2019

ALITA BATTLE ANGEL : [IN]FIDÉLITÉS ET ACIER ROSE BONBON !


LE CONTEXTE CRÉATIF : Soyons clairs, il y a une règle simple au cinéma. Plus vous mettez d'argent dans un film, plus vous devez viser un public large. Donc il est évident que pour l'adaptation de certaines oeuvres incluant des décors gigantesques ou des effets spéciaux en nombre, il vous faudra y mettre un paquet de pognon (à moins de vous délocaliser en Russie ou en Indes). Et forcément, à près de 200 millions $ le film, il est évident que certains aspects graphiques, thématiques, violents seront revus dans une optique plus... soft, dirons-nous.
C'est pour cela que l'animation nippone, surtout dans les années 1980-90, se permettait de s’adresser à des publics de niche parfois adultes et matures, car ne coûtant « pas cher ». Donc il y a un choix à faire : soit vous voulez une adaptation fidèle mais cheap, soit une adaptation visuellement ambitieuse mais porteuse de concessions. A moins que vous n’adaptiez Juliette Je T’aime… Là oui, c’est sur, ce sera pas cher….


LES CHOIX ASSUMÉS [SPOILERS] : Les conditions étant posées, voici ce qui se dégage de cette adaptation dans ses mauvais mais aussi ses bons côtés : Déjà exit la violence de l’œuvre originale, une violence qui sert une ambiance, des thématiques dures mais qui ici sont plus portées sur une ambiance aventures de science fiction qu’un survival post apocalyptique.
Ainsi; la ville dépotoir dans le manga est un enfer sur Terre ou seul les plus forts survivent, alors que dans le film, on est dans une immense favela colorée ou les enfants jouent dans la rue et ou l’on peut siroter son lait fraise à la terrasse d’un café. Donc déjà se pose la question du désir même de certains habitants du dépotoir de vouloir rejoindre la cité aérienne de Zalem, alors qu’en bas, en serrant les dents, on peut s’en sortir pas trop mal… Niveau tension sociale, ça en prend un coup.
Dans le film, Hugo est le beau gosse de service face à une Alita capable de tataner du punk mais qui rougit comme une pucelle de bal de promo quand on lui sourit… Alors que dans le manga, on suit la romance quasi perdue d’avance de deux paumés dans un monde de folie meurtrière permanent… Encore une fois, la tension dramatique en prend un coup, mais est compensé par le fabuleux jeu d’acteur de l’actrice principale grâce à une performance capture au top de la technologie actuelle.
Enfin le MotorBall est dans le manga un exutoire à la dépression/colère d’une héroïne pleurant le mort de son premier amour. Dans le film… elle le fait pour le fun et pour gagner sa place à Zalem et dire ses quatre vérités à Nova, le méchant proclamé du métrage (alors que dans le manga, c’est un poil plus compliqué) ! Et il faut avouer que dans le contexte du film… cela marche très bien ! Dans le manga, le MotorBall arrive un peu de nulle part, alors que dans le film, il est inclut dés le début de la narration ! Idem pour les nombreux flashbacks du passé d’Alita qui sont directement inspirés des manga The Last Order. De ce fait, le film est narrativement beaucoup plus cohérent et fluide dans l’enchaînement de ses évènements que dans le manga ! Un bel exploit quelque part.
On regrettera une scène finale qui se dilue aussi bien dans ses scènes d’action que dans la tension finale de la mort de Hugo. Une mort conservée pour le coup et qui apporte un peu de gravité à toute cette romance rose bonbon tâchée de sang bleue de robots (ça passe mieux pour du PG-13 ^^).

ET LA VALLÉE DE L’ÉTRANGE ? Des fameux grozyeux de l’héroïne, qu’en penser au final ? On s’y habitue et encore une fois le jeu de l’actrice référente en matière d’animation 3D est d’une très grande justesse. Donc oui, on s’habitue à ce look étrange… Mais l’eau du robinet aussi on s’y habitue, mais ça n’en fera jamais de l’eau minérale… Encore une fois le fait de changer les proportions d’un seul élément d’un visage réaliste sans équilibrer le reste est une aberration artistique (alors qu’il était si facile de trouver des références dans l’animation 3D nippone ou même auprès des fameuses Ball Joint Dolls si célèbres au Japon).
Il y a eu quelques corrections entre les premiers trailers et le résultat final comme l’augmentation des pupilles et des iris de 30%. Une vieille astuce de dessinateur de manga datant d’Osamu Tezuka, et qui marche très bien pour le coup. Encore une fois cette décision de faire des grozyeux à notre héroïne juste pour faire style « manga » est un non sens, et toutes les justifications données aussi bien par les créatifs du film que certains fans sur le net ne m’ont pas convaincus… Mais qu’importe, parce que oui : « On s’y habitue » et on n’y prête plus attention. Ce qui est quand même une belle performance… Mais est-ce un bien pour autant ?

A UNE PROCHAINE ? Franchement ? Oui ! Le métrage reste très sympathique à regarder, et son succès permettrait d’ouvrir la porte à d’autres adaptations ambitieuses à venir. Les scènes d’action, même si très proprettes, sont très dynamiques et inventives, la fluidité de la narration qui rééquilibre certains événements du manga sont très bien gérés, les dialogues rose bonbon sont compensé par un jeu d’acteur convaincant et clairement l’envie de bien faire se ressent à chaque niveau du film. Un film que l’on peut juger pour lui-même comme étant un sympathique trip d'action post apocalyptique, le genre de métrage pour « débutants voulant découvrir la science fiction » à l’image d’Interstellar ou Avatar (en résumé : pour un geek, rien de nouveau, pour un noob, une belle porte d’entrée accessible, didactique et de bon aloi).
Alors tant pis pour les concessions, à défaut d’avoir un beau film, on aura eu un film beau. Ce qui n’est déjà pas si mal…

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